Musée d'Orsay et 34 musées

Chronique de Pierre Raffanel - mai 2024

150 ans d'impressionisme

L’impressionnant hommage national à l’impressionnisme

« Un soir avec les impressionnistes, Paris 1874 » Exposition 3D ©Excurio - Gédéon Experiences ©musée d'Orsay. Le récit proposé est à la croisée du documentaire et de la fiction historique. En 11 scènes, portées par 12 personnages principaux, il propose de revivre le plus fidèlement possible les faits et lieux qui ont donné naissance au mouvement impressionniste. L’expérience se déploie sur 650m² de surface au rdc du musée d'Orsay.


Paris 1874, première exposition impressionniste.

Monet, Renoir, Degas, Morisot, Pissarro, Sisley, Boudin, Bracquemond ou encore Cézanne ont la volonté en ce jour du 15 avril 1874 de s’affranchir des règles officielles et d’organiser leur propre exposition, sise 35 boulevard des Capucines.

150 ans déjà. Une occasion unique pour le Musée d’Orsay qui abrite la plus vaste collection au monde d’œuvres impressionnistes, de célébrer cette date anniversaire, considérée comme le point de départ d’une nouvelle vision artistique, le coup d’envoi d’un mouvement de rupture de la place de l’art dans son époque. À l’initiative de Christophe Leribault, cet hommage va être célébrer bien au-delà des cimaises parisiennes ; 178 chefs-d’œuvre du mouvement quitteront les quais de l’ancienne gare d’Orsay pour des musées aux 4 coins du territoire français.

La grande exposition « Paris 1874. Inventer l’ impressionnisme » a lieu à Paris du 26 mars au 14 juillet 2024 sous le commissariat de Sylvie Patry et Anne Robbins du Musée d’Orsay et, du 8 septembre 2024 au 20 janvier 2025 à Washington sous le commissariat de Mary Morton et Kimberly Jones du National Gallery of Art. Elle propose de retracer l’avènement d’un mouvement artistique surgi dans un monde en pleine mutation, celui d’un après-guerre, faisant suite à deux conflits : la Guerre franco-allemande de 1870, puis une violente guerre civile. Dans ce contexte de crise, ces 31 jeunes artistes - parmi lesquels sept sont aujourd’hui renommés internationalement – se rassemblent sous forme de société anonyme coopérative pour exposer leur travail dans l’ancien atelier du photographe Nadar en une présentation qui n’a rien d’homogène : scènes de la vie moderne, des paysages croqués en plein-air, des tableaux plus conventionnels, de même que des sculptures, gravures et émaux. Comme le note un observateur de l’époque, « ce qu’ils semblent rechercher avant tout, c’est l’impression ».

 

Grâce une « expédition immersive » en réalité virtuelle de 45 minutes, nous pouvons nous plonger dans les conditions de visite du XIXe siècle de cette mythique exposition : lueurs blafardes de l’éclairage au gaz, ambiance sonore avec les artistes, les commentaires des invités et les moqueries des critiques lors du vernissage : un voyage véritable dans le temps, fondé sur de minutieuses recherches réalisées durant 2 ans par Excurio, Gédéon Expériences. Au fil de cette déambulation, des échappées vous emmèneront plus loin, sur les lieux qui ont marqué les débuts du mouvement et inspiré les tableaux que vous avez sous les yeux. Vous explorerez ainsi les salles du Salon ; l’atelier du peintre Frédéric Bazille ; la très animée île de la Grenouillère au bord de la Seine, avec Monet et Renoir peignant côte à côte ; ou encore la chambre d’hôtel de Monet au Havre, où celui-ci travaille à son célèbre tableau Impression, Soleil Levant. De Paris à la Normandie, vous participez ainsi à un véritable voyage sur les sites de l’impressionnisme naissant, en une extraordinaire plongée au cœur de la création.

 

Dans « Paris 1874 », une confrontation d’œuvres ayant figuré à l’exposition impressionniste de 1874 et de tableaux et sculptures montrés au même moment au Salon officiel permet de restituer le choc visuel des œuvres des impressionnistes, mais aussi de le nuancer, par des parallèles et recoupements inattendus entre la première exposition impressionniste et le Salon. Cette exposition du musée d’Orsay montre les contradictions et l’infinie richesse de la création contemporaine tout en soulignant la modernité radicale de l’art de ces jeunes artistes. « Bonne chance !», les encourage un critique, « il ressort toujours quelque chose des innovations. » Cette exposition est une nouvelle occasion de voir ou revoir La danseuse de Degas, le Bal masqué à l’opéra de Manet prêté par Washington, La loge de Renoir venue de Courtauld de Londres, Le boulevard des capucines de Monet conservé à Kansas City…mais également des artistes plus conservateurs avec Gérôme, Alma-Tadema, Ferdinand Humbert, Gervex, Detaille, Albert Maignan…Malgré un succès de scandale et malgré le soutien de quelques collectionneurs De Bellio, Choquet, Hoschedé, Caillebotte, et du critique Théodore Duret, l’exposition de 1874 fut un échec. L’exposition présentera des prêts exceptionnels, notamment Impression, soleil levant de Claude Monet, dont le titre inspire le terme d’« impressionniste » – une moquerie de journaliste qui finira pourtant par donner son nom à ce mouvement artistique et sceller son succès.

Berthe Morisot (1841 -1895) Vue du petit port de Lorient 1869

Huile sur toile 43,5 x 73 cm Washington, The National Gallery of Art, Ailsa Mellon Bruce Collection, 1970.17.48 ©Image Courtesy of the National Gallery of Art, Washington 

 

Deux expositions parallèles

Il est à noter qu’en cette année 1874, à quelques semaines d’écart, deux expositions vont avoir lieu à Paris, la Première exposition des artistes indépendants dans l’ancien atelier de Nadar et le Salon officiel au Palais de l’industrie. Près de 300000 visiteurs se pressent sur les Champs-Élysées contre 3500 boulevard des Capucines ! On a laissé entendre que les peintres académiques exposaient au Salon officiel tandis que la future avant-garde impressionniste participait, seule, chez Nadar. Or, il n’en est rien. Douze artistes expositions simultanément leurs œuvres dans les deux lieux, certainement pour avoir une meilleure chance de trouver un public d’acheteurs.

 

178 œuvres prêtées, 34 institutions participantes, 13 régions représentées.

La lumière des impressionnistes a su capter tout à la fois la métamorphose des jours et les mutations du siècle. Une lumière qui portait si loin qu’elle augurait de toutes les modernités à venir, de l’expressionnisme à l’abstraction. 150 ans après, il convenait que l’écho de cet événement inaugural résonne sur tout le territoire. Le prêt de nombreuses œuvres sur tout l’hexagone se justifie par le fait que l’impressionnisme n’est pas né uniquement à Paris. Les artistes ont travaillé à la campagne, au bord de la mer, en Normandie, dans le sud de la France…La plupart des œuvres prêtées iront en Normandie (Caen, Giverny, Rouen) pour le festival Normandie Impressionnisme, mais c’est le 

 Musée Ingres-Bourdelle à Montauban qui a ouvert le bal de ce tour de France, avec une exposition qui a débuté le 19 janvier avec deux œuvres de Gustave Caillebotte : le Parterre de Marguerites prêté par le musée des impressionnismes Giverny et Les Soleils, jardin du Petit Gennevilliers, peinte en 1885 et faisant partie des collections du musée d’Orsay. Continuons ce tour de France de cet anniversaire des 150 ans de l’impressionnisme au travers des villes où sont implantées les associations affiliées de notre fédération de la Société Artistique.

 

Amiens

Ne possédant aucune œuvre impressionniste, le Musée de Picardie a sollicité le prêt du tableau Sur la plage d’Edouard Manet, peint en 1873 à Berck-sur-Mer. C’est en effet par l’angle territorial que le musée souhaite aborder la peinture impressionniste, en montrant une plage bien connue des Amiénois. La présentation du tableau sera l’occasion de montrer au public les aspects qui caractérisent l’art de Manet : liberté dans l’imitation du motif, fluidité de la touche, exécution en plein air, abandon des règles de la perspective, intimité du sujet.

 

Bordeaux

Le regard fatal de Berthe Morisot dans Le Balcon de Manet (1832-1883) et La Cabane des douaniers de Claude Monet (1840-1926) surplombera les quais bordelais de la Garonne au MusBA. La présentation de ces deux invités de marque est l’occasion de mettre en lumière les collections du musée, qui vont du pré-impressionnisme au post-impressionnisme avec Jean-Baptiste Corot et l’École de Barbizon, Eugène Boudin et son Port de Bordeaux, Auguste Renoir, Mary Cassatt et les Bordelais Louis-Auguste Auguin et Alfred Smith. Une riche programmation culturelle accompagnera l’événement…

 

Douai

Les drapeaux de La Rue Montorgueil flotteront à Douai. Le prêt de ce chef-d’œuvre de Claude Monet, qui constitue une des sources visuelles de l’art de Henri Duhem, est un évènement qui permet d’évoquer l’arrivée de la modernité dans le Nord et la personnalité attachante de cet artiste, collectionneur et mécène. Avocat de formation, puis élève de Henri Harpignies et d’Émile Breton, Henri Duhem peint toute sa vie des paysages des Flandres, du Maroc, du Boulonnais, de Paris, de Suisse ou de la Côte d’Azur – où il finit ses jours – à l’huile, comme à l’aquarelle. À la tête d’une confortable fortune familiale, il constitue une importante collection autour de Monet, Pissarro, Renoir, Corot, Carrière, Rodin, Meunier ou Claus. Il publie plusieurs articles et essais sur ces artistes, avec lesquels il correspond. Il soutient par de nombreux achats et des commandes le début de carrière de ses amis Henri Le Sidaner et Henri Martin et fut en quelque sorte le « Caillebotte » des post-impressionnistes. Actif pendant 40 ans au musée de Douai, il y fait entrer des œuvres de presque tous ces artistes. Il eut enfin une activité inédite de marchand d’art.

 

Lille

Le Palais des Beaux-Arts de Lille possède deux toiles de Claude Monet représentant le village de Vétheuil, issues toutes deux de la donation Masson datant des années 1970 : La Débâcle, peinte dans les premières semaines de 1880 et Vétheuil, le matin, réalisée vingt ans plus tard. Vétheuil occupe une place singulière dans la vie et l’œuvre de l’artiste. En rapprochant les œuvres du Palais des Beaux-Arts de Lille de quatre prêts prestigieux du musée d’Orsay sur le même sujet, tous signés Claude Monet (Les Glaçons, 1880 ; Église de Vétheuil, 1879 ; La Seine à Vétheuil, effet de soleil après la pluie, 1879 ; Vétheuil, soleil couchant, vers 1900), cette exposition permettra d’évoquer à la fois le rythme des saisons et deux périodes stylistiques de l’artiste.

 

Limoges

Cité natale du peintre Pierre-Auguste Renoir, la Ville de Limoges s’associe à l’événement avec le musée d’Orsay par le prêt exceptionnel d’une toile du peintre, Portrait de Fernand Halphen enfant, 1880. Le tableau vient rejoindre les cinq toiles de Renoir déjà exposées au Musée des Beaux-Arts. Pour l’occasion, une nouvelle salle est aménagée dans le parcours permanent, entièrement consacrée aux collections impressionnistes du musée (Armand Guillaumin, Joaquin Sorolla), dont les œuvres de Renoir forment le point central, organisées autour du portrait prêté par le musée d’Orsay. Aux côtés du Portrait de Jean (1899) du même peintre ou des Enfants de Gabriel Thomas (1894) de Berthe Morisot, le prêt d’Orsay vient conforter la spécificité d’un fonds tourné vers la représentation de l’enfance. Enfin, la toile est choisie pour être l’« œuvre doudou » du musée, ambassadrice auprès des crèches.

 

Montpellier

À Montpellier, le musée Fabre accueillera deux chefs-d’œuvre d’Édouard Manet : Le Fifre (1866) et le Portrait d’Émile Zola (1868). Les collections du musée Fabre pour cette période ont pour cœur les œuvres de Frédéric Bazille, artiste montpelliérain mort trop jeune, en 1870, pour figurer à l’exposition de 1874. Celui-ci fut néanmoins partie prenante des débuts de l’impressionnisme, entretenant une relation tant amicale que d’émulation artistique avec Alfred Sisley, Auguste Renoir, et Claude Monet. Les prêts exceptionnels du musée d’Orsay seront l’occasion d’évoquer les prémices de l’impressionnisme, et notamment la filiation de Gustave Courbet à Frédéric Bazille, deux artistes majeures des collections montpelliéraines, en mettant l’accent sur la figure centrale d’Edouard Manet. Ces deux toiles prendront place dans une salle dédiée du parcours permanent qui mettra en valeur les liens des trois artistes, ainsi que les figures critiques, littéraires et politiques, qui les ont accompagnés et ont défendu la Nouvelle Peinture. Le portait d’Émile Zola par Manet sera ainsi mis en dialogue avec le Portrait de Charles Baudelaire par Courbet ainsi que celui d’Antonin Proust par Manet, homme politique et fervent défenseur des arts, organisateur d’une des premières expositions officielles de Courbet à l’école des beaux-arts de Paris en 1882.

 

Nantes

Le trésor national Partie de bateau de Gustave Caillebotte sera présenté dans la salle « Plein air, pleine    mer » du musée d’arts de Nantes. Cette salle propose un accrochage resserré sur la peinture de paysages « aquatiques » autour de l’impressionnisme, d’Eugène Boudin à Paul Signac. Les œuvres de Claude Monet, Les Nymphéas à Giverny (1917) et Gondole à Venise (1907) et celles de Johan Barthold Jongkind, Maxime Maufra, Alfred Sisley mettent en avant la manière dont la lumière se reflète sur l’eau, se diffracte dans l’air ou fait vibrer, l’espace d’un instant, l’écume blanche des vagues de Bretagne, de la côte normande ou de la Méditerranée.

 

Anna Boch (1848-1936) Cueillette (1890) Huile sur toile 74 x 107 cm Collection particulière © Vincent Everarts 

Pont-Aven

Le Musée de Pont-Aven, en partenariat avec le Mu.ZEE d’Ostende (Belgique) rend hommage à Anna Boch (Saint-Vaast, Belgique, 1848- Ixelles, Belgique, 1936), 175 ans après sa naissance. L’exposition dresse le portrait multiple d’une artiste, mélomane, collectionneuse, mécène, voyageuse et passionnée d’architecture à la personnalité dynamique et avide de découvertes. Seule femme à avoir adhéré aux cercles artistiques Les XX (fondé en 1884, 10 ans après la première exposition impressionniste) et La Libre Esthétique, animés par son cousin Octave Maus, elle s’y est positionnée – fait rare pour l’époque – d’égale à égale avec ses confrères. Ensemble, ils se lancent dans l’aventure du néo-impressionnisme, alors incarné par Théo van Rysselberghe, Paul Signac et Georges Seurat. Dans le cadre des « 150 ans de l’impressionnisme avec le musée d’Orsay (1874-2024) », le Musée de Pont-Aven bénéficie du prêt exceptionnel d’un tableau de Van Gogh : Le Portrait d’Eugène Boch, frère d’Anna. Van Gogh fait la connaissance du peintre belge Eugène Boch (1855-1941) vers la mi-juin 1888, alors que ce dernier séjourne pour quelques semaines dans une commune toute proche d’Arles. Le 11 août, une idée a germé dans son esprit, celle de réaliser le portrait d’un ami artiste sur un fond bleu étoilé. Deux semaines plus tard, Boch pose pour Van Gogh. Bien qu’il ne la considère que comme une «esquisse», Van Gogh encadre cette œuvre qu’il nomme Le Poète.

 

Roubaix

La Piscine de Roubaix a émis l’idée de demander à sa « Joconde », La Petite Châtelaine de Camille Claudel, de convier quelques enfants impressionnistes des collections nationales. Trois tableaux, de Degas, Renoir et Pissarro, et deux sculptures de Degas seront les invités de marque du marbre élaboré par Claudel dans l’esprit de l’impressionnisme, au début des années 1890. La confrontation de La Petite Châtelaine avec l’étrange Garçon au chat de Renoir et l’ambiguë, iconique Petite danseuse de 14 ans de Degas fera résonner trois visions modernes et iconoclastes de l’enfance.

 

Normandie : Bayeux, Caen, Giverny, Honfleur, Le Havre, Rouen, Saint-Lô et Yvetot.

 

À Bayeux, le musée d’Art et d’Histoire Baron Gérard a pu bénéficier du prêt exceptionnel du musée d’Orsay de Port-en-Bessin, avant-port, marée haute, seule œuvre de la série conservée dans une institution publique française, offre au territoire local un accès privilégié à l’histoire de l’impressionnisme et de son évolution par la présentation inédite d’un paysage réalisé in situ. En Normandie, le Bessin et son littoral ont été une source d’inspiration pour les maîtres du néo-impressionnisme. Au cours de l’été 1888, Georges Seurat a fait de Port-en-Bessin son sujet d’étude, donnant lieu à la réalisation de huit toiles.

 

Caen

Le musée des Beaux-Arts de Caen présente une exposition consacrée aux représentations de la ville marchande de 1860 à 1914, organisée dans le cadre conjoint des « 150 ans de l’impressionnisme avec le musée d’Orsay » et du festival Normandie Impressionniste 2024. Constitué d’une vingtaine d’œuvres, le prêt exceptionnel consenti par le musée d’Orsay permet d’éclairer ces décennies marquées par un essor économique sans précédent. Les lieux de commerce se multiplient. Formes anciennes et nouvelles coexistent : l’apparition des grands magasins n’entraîne pas la disparition des boutiques traditionnelles et des échoppes, à l’exemple des étals de bouquinistes représentés par James Wilson Morrice. Les artistes s’attardent sur le mouvement des rues. Sensibles à la présence des commerçants ambulants, aux gestes des modistes, aux attitudes des garçons de café, ils relèvent encore les lettres des enseignes, des publicités et des affiches qui font de la ville un petit théâtre de la marchandise. La programmation culturelle pensée autour de l’exposition met l’accent sur les résonances contemporaines de son propos.

 

 Giverny

Le projet du musée des impressionnismes Giverny souhaite donner une vision un peu décalée du thème « l’impressionnisme et la mer »  en abordant la période de 1870 à 1900. L’exposition se déclinera ainsi en thématiques structurantes : les ports, mais aussi la Normandie et la Bretagne, le traitement de lumière et de la nuit, les tempêtes et les naufrages, la vie en villégiature, le goût du voyage illustreront le parcours et montreront aussi l’originalité des points de vue, le cadrage photographique ou le mode de vie des estivants à l’époque. L’ensemble des 16 prêts exceptionnels consentis par le musée d’Orsay rassembleront des peintures de Johan Barthold Jongkind, Eugène Boudin, Félix Cals, Claude Monet, Édouard Manet, Auguste Renoir, mais, aussi Philip Steer ou Charles Laval. Des œuvres méconnues dialogueront avec des peintures célèbres, créant ainsi un dialogue fécond entre peintures, dessins, estampes, mais aussi photographies et documents d’époque. Le goût des impressionnistes 

pour les scènes de plage, les vues maritimes ou les portraits des estivants est bien connu et toujours populaire auprès du grand public. Le mouvement impressionniste n’est pas homogène et le traitement du sujet de la marine et du bord de mer diffère selon les tempéraments, mais aussi les préoccupations propres à chaque artiste. Quoi de commun entre Monet et Renoir sur la mer ? De même Pissarro ne voit pas le Havre comme Monet. Le périmètre géographique est assez restreint : les séjours des artistes se concentrent entre la Normandie et la Bretagne.

 

Honfleur

L’exposition En compagnie d’Eugène Boudin (1824 -1898) célébre le bicentenaire de la naissance du peintre à Honfleur et le 150e anniversaire de la première exposition impressionniste. Entre Côte de Grâce et Côte Fleurie, à l’aube de l’impressionnisme proposée par le musée Eugène Boudin est centrée sur la figure du peintre et ses amitiés artistiques. Située avant l’éclosion du mouvement impressionniste, l’exposition met en relief la place du littoral normand où Isabey, Courbet, Jongkind ou encore Monet se rendent afin d’explorer, par la palette et le motif, les ciels et paysages situés autour de Honfleur dans les années 1860 et le début des années 1870. Outre le rôle de la Ferme Saint-Siméon comme lieu de rencontre et d’émulation artistique, ou l’année 1865, année phare de fréquentation par des artistes de renom du littoral normand, une attention particulière est portée sur la relation unissant Monet à ses deux mentors. Eugène Boudin, qui l’initie à la pratique en plein air, et Jongkind qui l’aide à parachever son traitement du paysage. Le prêt exceptionnel par le musée d’Orsay de la toile de Monet, La Charrette. Route sous la neige à Honfleur de 1867 ainsi qu’une sélection de toiles d’Eugène Boudin et de Jongkind permettent cette mise en regard singulière.

 

Le Havre

L’exposition du MuMa du Havre permettra de confronter des chefs-d’œuvre de la peinture, notamment impressionniste, et de la photographie et de présenter aussi des œuvres rares ou méconnues. Les toiles prêtées par le musée d’Orsay, Cathédrale de Rouen, Train dans la campagne, de Claude Monet, Port de Rouen, Saint-Sever de Camille Pissarro, ou encore la photographie d’ Edmond Bacot Partie supérieure de la façade de la Cathédrale de Rouen, viennent à l’appui des thématiques de l’exposition : le renouvellement de la représentation du paysage et de la modernité que peintres et photographes ont, à leur manière, contribué à forger.

 

Rouen

Le musée des Beaux-Arts de Rouen choisit d’élargir la focale et de faire un pas de côté en abordant la figure de Whistler et la fascination profonde et durable que celui-ci exerce entre 1874 et 1914 en France et, plus globalement, en Europe et aux États-Unis. Rassemblant plus de 180 œuvres, cette exposition donne à voir, pour la première fois, l’influence capitale de l’esthétique, de la sensibilité de Whistler sur ses contemporains. À travers le prêt de 24 œuvres (14 peintures et 10 photographies), le soutien du musée d’Orsay à ce projet est exceptionnel. Pièce majeure des collections nationales, l’œuvre la plus illustre de Whistler Arrangement en gris et noir n°1, ou la mère de l'artiste (1871) renouvelle les codes traditionnels du portrait. Le jeu de lignes verticales de la composition renforce l’aspect hiératique de la pose. En rupture avec l’idée qu’une œuvre se doit de raconter une histoire, Whistler affuble ses peintures de sous-titres musicaux, privilégiant l’harmonie colorée à consonance musicale, plutôt que le sujet de la toile. L’impact de cette peinture est immense. Nombreux sont les artistes – qu’ils soient peintres, photographes, écrivains, poètes ou compositeurs, et plus récemment cinéastes – influencés par la singularité de sa peinture, tout autant que par la personnalité hors du commun du dandy américain. Les œuvres des photographes Alfred Stieglitz et Paul Haviland, ainsi que des peintres Charles Cottet, John White Alexander et Fernand Khnopff prêtées par le musée d’Orsay illustrent parfaitement les multiples postérités de Whistler.

 

Saint-Lô

Le prêt de la peinture de Degas représentant les graveurs Desboutin et Lepic s’inscrit dans le projet d’exposition intitulée Degas, Manet, Pissarro, impression(s) de gravures qui se déroule au musée d’art et d’histoire de Saint-Lô du 15 juin au 15 septembre 2024. Le musée met en lumière une technique pratiquée par les artistes impressionnistes mais longtemps restée confidentielle : la gravure. Celle-ci témoigne des recherches sur la lumière, de l’intérêt que les artistes portent aux nouvelles techniques graphiques. Elle permet une histoire révisée de l’impressionnisme qui ne se cantonne pas seulement aux peintres présents aux huit expositions. L’œuvre du musée d’Orsay est intéressante à plus d’un titre car elle permet d’aborder le caractère expérimental de cette technique. C’est en effet sous la direction de Lepic que Degas s’initie au monotype. Lepic est aussi à l’origine d’un procédé, l’eau forte mobile, lui permettant de retranscrire les variations atmosphériques. De plus, cette œuvre témoigne des liens étroits entre les artistes. Ils se représentaient mutuellement dans leurs œuvres et se réunissaient aussi pour encrer ensemble et imprimer des planches chez l’éditeur Cadart.

 

Yvetot

Le Musée des Ivoires, situé à Yvetot, accueille un prêt exceptionnel du musée d’Orsay : Les Villottes de Charles Angrand. Le musée municipal présentera cette œuvre en lien avec l’exposition de Marc Desgrandchamps qui se déroulera simultanément à la galerie Duchamp, centre d’art contemporain d’intérêt national. Les 150 ans de l’impressionnisme sont l’occasion pour la Ville d’Yvetot, son musée municipal et son centre d’art contemporain d’intérêt national, de considérer le Pays de Caux – ses paysages, ses spécificités, sa lumière – comme un motif à part entière.  Un territoire que les peintres, et notamment les impressionnistes et les artistes proches du mouvement, ont su saisir. Car il est bien question de saisissement : à l’image de ce tableau de Charles Angrand, Les Villottes. Artiste rouennais, qui a arpenté ce territoire et dont les préoccupations picturales, vers 1887 au moment de la réalisation de cette huile sur carton, ne sont pas – encore – éloignées des recherches de ses amis Impressionnistes, et en premier lieu de celles de Claude Monet. Manière ainsi de créer un aller-retour entre deux peintres, entre deux regards qui interrogent à 150 ans de distance, ces mêmes paysages.